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Crédit image : Échafaudage d’un souvenir, 2016. Olivier mort en 1954, ferraille, béton, fibres végétales, curcuma, pierres, ongles, peaux mortes, dimensions variables. Courtesy de l’artiste.
Vernissage jeudi 7 juillet à 19:00 en présence de l’artiste
» On connaît le travail de Lionel Sabatté puissamment lié aux forces de la nature, au monde sauvage et à celui des esprits. Peuplé de créatures hybrides, de chimères animalières mons- trueuses et séduisantes, il est constitué d’éléments tous plus hétérogènes les uns que les autres : poussière, béton, rognu- res d’ongles, peaux mortes, pièces de monnaie, épices…
On connaît un peu moins ses peintures. De grands formats aux tonalités abyssales, aux effets aquatiques et glaciaires, traversés par des coulures, sillons et amas de matières qui forgent ici des détails microscopiques, là des états gazeux, plus loin des formes animales et autres territoires minéraux. Autant de motifs que le regardeur croit ainsi reconnaître dans la dispersion d’une forme, dans la matité d’un brun ou l’éclat d’un gris perle, mais qui n’appartiennent pourtant qu’à son imaginaire ou à son intuition.
On ne sait rien en revanche de la représentation de la figure humaine dans la sculpture de Lionel Sabatté. Désertées par le genre Homo, ses œuvres en sont pourtant les portraits de substitution. L’humain est là, présent, mais en fantôme, en abandons. Il est uniquement représenté par l’immatérialité des traces qu’il laisse dans son quotidien, par les échanges invisibles qu’il tisse avec le monde, par l’histoire qu’il construit et détruit perpétuellement, témoignant ainsi d’une formida- ble absence/présence.
Pour son exposition au Parvis intitulée « La désobéissance », Lionel Sabatté inaugure sa première incarnation humaine à taille réelle.
Au cœur d’un paysage fantasmagorique – composé de peintures atmosphériques, de souches d’arbres dont les fleurs de peaux mortes bourgeonnent à nouveau, de grands oiseaux noirs aimantés de déchets et substances repoussantes et d’un cervidé de béton qui marcotte avec un arbre – un nouvel être se révèle. Il hante l’espace. Il est l’Androgyne originel qu’évoque le mythe platonicien éponyme, quand Zeus sépara en deux le troisième genre humain alors composé d’un homme et d’une femme réunis, ou l’Adam du Paradis perdu. Il s’affirme comme une image archétypale, une vision totémique et magique qui rappelle la sculpture longiligne et quasi abstraite d’Alberto Giacometti. Constitué d’une armature de fer, d’amas de ciment et sédiments poussière, « l’Androgyne » de Lionel Sabatté est une figure d’esquive qui prend de manière magistrale chair et corps dans l’espace d’exposition. Tout autour de lui se déploie un panorama de peintures. Ces dernières combinent différents états de fluidité et de matité, jouent des transparences et des opacités, des contrastes de consistance et de couleurs, passant allègrement de teintes crépusculaires à d’autres plus sourdes et profondes. Les formes et motifs que découvre le spectateur ne sont pas déterminés par l’artiste. Le peintre exploite en effet les aléas de la matière en l’étirant grâce au souffle d’un sèche cheveux. Ainsi, lorsque le regardeur observe une forme qui lui paraît signifiante, elle n’est jamais que le résultat du phénomène cognitif qui lui fait voir des visages et des animaux dans la forme des nuages.
Tout dans l’art de Lionel Sabatté se construit selon cette dichotomie de la forme et de l’informe. Pour ses peintures paréidoliques, ses dessins et ses sculptures, l’artiste manipule une matière indéterminée et incontrôlable, une matière restituée dans son état sauvage, mais détournée de sa destination ontologique. Pour autant, l’informe n’est pas le refus de la forme et c’est bien selon une composition et une structure précise que l’artiste conçoit ses œuvres.
Ainsi, Lionel Sabatté ramasse la poussière accumulée dans les recoins de son atelier, ceux du métro ou de la rue. Il collecte et conserve également un trésor de pièces de 1 centime glanées après la fermeture de bars et de restaurants. Déterre des souches d’arbres tombés pendants les tempêtes ou les guerres et transcende ces rebuts repoussants que sont nos chutes d’ongles, de cheveux et de peaux mortes pour créer des sculptures dignes de notre admiration. Autant de vestiges donc de notre quotidien, de nos passages et de nos échanges économiques qu’il transforme et structure pour donner naissance à des d’animaux chimériques et à une végétation fantasmagorique d’où émane un sentiment d’Origine.
À l’exemple d’ailleurs de ces deux cygnes et de cette biche présents dans l’exposition qui, composés d’armatures de fer, de pièces de monnaie, de poussière, de cheveux et de béton, évoquent des espèces disparues issues d’un autre temps. Ce bestiaire, qui nous projette à l’époque préhistorique, évolue au cœur d’une forêt de souches et d’arbres morts revitalisés par la présence morbide de déchets de peau.
Servant alors un propos lié aux mythes de la (re)création, à celui de la Chute et de l’Androgyne en particulier, l’exposition illustre le rapport qu’entretient l’artiste avec le visible et l’invisible, la mort, la résurrection, la spiritualité, le temps et la nature. A travers cette première sculpture personnifiée en effet, avec cette population d’oeuvres animalières que l’artiste énergise, et grâce aux matières organiques qu’il utilise, Lionel Sabatté nous laisse deviner une vie qui prolifère. Une vie physique et psychique chargée de forces quasi surnaturelles qui confère aux œuvres qu’il expose une véritable âme. »
Magali Gentet, responsable du centre d’art contemporain et commissaire de l’exposition
Informations pratiques :
Exposition « La désobéissance » de Lionel Sabatté
Du 8 juillet au 1er octobre 2016
Au Parvis, centre d’art contemporain
Centre Méridien Route de Pau 65420 Ibos
Site : www.parvis.net
Entrée libre, du mardi au samedi de 11:00 à 13:00 et de 14:00 à 18:00
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